Evka Présente : Les grands classiques du XIXe siècle

Thérèse Raquin de Émile Zola

Les grands classiques du XIXe siècle
Les grands classiques du XIXe siècle
Thérèse Raquin de Émile Zola
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Thérèse Raquin de Émile Zola

Note : Les définitions des mots sélectionnés dans cet extrait proviennent, pour la plupart, du dictionnaire de l’Académie Française.

Salut et bienvenue dans la série “Les grands romans du XIXe siècle”, série de podcasts pour les étudiants les plus aguerrisDéfinition :
Rendre capable de résister à ce qui est hostile ou pénible.
! Voici un etrait du très célèbre roman d’Émile Zola, Thérèse Raquin. Le roman nous raconte l’histoire de Thérèse, une jeune fille qui doit épouser son cousin Camille et qui, en venant vivre à Paris, est séduite par Laurent, un ami de celui-ci. Ils deviennent alors amants et souhaitent rester ensemble, mais que faire de Camille ? Thérèse et Laurent décident de le noyer sans se douter que ce drame passionnel n’aura pas les résultats escomptésSynonyme :
Attendus
.

Si tu veux apprendre le français, améliorer ton niveau et découvrir la culture française tout en t’amusant, tu es bien tombé. Je suis la personne qu’il te faut ! Mais avant de commencer, souviens-toi de t’aider de la transcription, car cela te sera utile pour le vocabulaire et tu pourras aussi identifier les liaisons que je fais.

C’est bon, on commence ? C’est parti !

Chapitre XIII

Le lendemain, Laurent s’éveilla frais et disposDéfinition :
Qui se sent bien, qui est en bonne disposition pour agir.
. Il avait bien dormi. L’air froid qui entrait par la fenêtre fouettaitDéfinition :
Activer la circulation, causer une excitation salutaire et vivifiante.
son sang alourdiDéfinition :
Rendre plus lourd.
. Il se rappelait à peine les scènes de la veille ; sans la cuissonDéfinition :
Douleur que l’on ressent d’un mal qui est cuisant.
ardenteDéfinition :
Qui chauffe intensément et qui donne une sensation de brûlure.
qui le brûlait au cou, il aurait pu croire qu’il s’était couché à dix heures, après une soirée calme. La morsureDéfinition :
Action de mordre ; meurtrissure, blessure faite en mordant.
de Camille était comme un fer rougeDéfinition :
Instrument comportant une partie en fer qui, portée au rouge, permet d’imprimer une marque sur la peau d’un homme ou d’un animal.
posé sur sa peau ; lorsque sa pensée se fut arrêtée sur la douleur que lui causait cette entailleDéfinition :
Blessure causée par une coupure.
, il en souffrit cruellement. Il lui semblait qu’une douzaine d’ pénétraient peu à peu dans sa chair.

Il rabattit le col de sa chemise et regarda la plaieDéfinition :
Déchirure, ouverture dans la peau et les chairs provoquée par une blessure, une brûlure, une maladie.
dans un méchant miroir de quinze sousDéfinition :
Pièce de cuivre ou de nickel valant cinq centimes.
accroché au mur. Cette faisait un trou rouge, large comme une pièce de deux sous ; la peau avait été arrachée, la chair se montrait, rosâtre, avec des taches noires ; des filets de sang avaient coulé jusqu’à l’épaule, en minces traînéesDéfinition :
Petite quantité de certaines matières, telles que le blé, la farine, le plâtre, la poudre, répandues en longueur sur le sol.
qui s’écaillaientDéfinition :
Petite quantité de certaines matières, telles que le blé, la farine, le plâtre, la poudre, répandues en longueur sur le sol.
. Sur le cou blanc, la morsure paraissait d’un brun sourd et puissant ; elle se trouvait à droite, au-dessous de l’oreille. Laurent, le dos courbéSynonyme :
Plié
, le cou tendu, regardait, et le miroir verdâtre donnait à sa face une atroce.

Il se lava à grande eau, satisfait de son examen, se disant que la blessure serait au bout de quelques jours. Puiss il s’habilla et se rendit à son bureau, tranquillement, comme à l’ordinaire. Il y conta l’accident d’une voix émueDéfinition :
En proie à une vive émotion
. Lorsque ses collègues eurent lu le fait-diversDéfinition :
Rubrique de presse comportant des informations sans portée générale, relatives à des faits quotidiens (au pluriel).
qui courait la presse, il devint un véritable héros. Pendant une semaine, les employés du chemin de fer d’Orléans n’ pas d’autre sujet de conversation : ils étaient tout fiers qu’un des leurs se fût noyé. Grivet ne ne tarissait pasDéfinition :
En parler sans cesse, y revenir souvent.
pas sur l’imprudence qu’il y a à s’aventurer en pleine Seine, quand il est si facile de regarder couler l’eau en traversant les ponts.

Il restait à Laurent une inquiétude sourde. Le décès de Camille n’avait pu être constaté officiellement. Le mari de Thérèse était bien mort, mais le meurtrier aurait voulu retrouver son cadavre pour qu’un acte formel fût dresséDéfinition :
Préparer, arranger, disposer selon les règles.
. Le lendemain de l’accident, on avait inutilement cherché le corps du noyé ; on pensait qu’il s’était sans doute enfouiDéfinition :
Mettre dans un trou qu’on a creusé, puis recouvrir de terre.
au fond de quelque trou, sous les bergesDéfinition :
Talus naturel, bord élevé d’un cours d’eau, d’un canal.
des îles. Des ravageurs fouillaientDéfinition :
Explorer minutieusement, en vue de découvrir ou de retrouver une personne, un objet.
activement la Seine pour toucher la primeDéfinition :
Avantage accordé comme récompense, comme compensation ; notamment, somme attribuée en supplément de la rémunération pour une tâche ou un motif déterminés.
.

Laurent se donna la tâche de passer chaque matin par la morgueDéfinition :
Endroit où sont recueillis et exposés les cadavres des personnes victimes de meurtre qu’il convient d’autopsier, les cadavres de personnes inconnues qu’on doit identifier, et où sont pratiquées des expertises médicolégales
, en se rendant à son bureau. Il s’était juréSynonyme :
Se promettre
de faire lui-même ses affaires. Malgré les répugnances qui lui soulevaient le cœur, malgré les frissons qui le secouaient parfois, il alla pendant plus de huit jours, régulièrement, examiner le visage de tous les noyés étendus sur les dallesDéfinition :
Tablette, plaque de pierre ou de toute autre matière dure, destinée à paver, à couvrir, à revêtir des sols, des murs.
.

Lorsqu’il entrait, une odeur fade, une odeur de chair lavée l’écœuraitDéfinition :
En parlant d’aliments, d’odeurs, etc., soulever le cœur, provoquer la nausée au point de donner envie de vomir.
, et des souffles froids couraient sur sa peau ; l’humidité des murs semblait alourdir ses vêtements, qui devenaient plus pesants à ses épaules. Il allait droit au vitrage qui sépare les spectateurs des cadavres ; il collait sa face pâle contre les vitres, il regardait. Devant lui s’alignaient les rangées de dalles grises. Çà et là, sur les dalles, des corps nus faisaient des taches vertes et jaunes, blanches et rouges ; certains corps gardaient leurs chairs vierges dans la rigidité de la mort ; d’autres semblaient des tas de viandes sanglantes et pourries. Au fond, contre le mur, pendaient des loquesDéfinition :
Étoffe réduite en lambeaux par l’usure, par des déchirures ; lambeau d’étoffe.
lamentables, des jupes et des pantalons qui grimaçaient sur la nudité du plâtre. Laurent ne voyait d’abord que l’ensemble blafardDéfinition :
Qui est pâle et terne.
des pierres et des murailles, taché de roux et de noir par les vêtements et les cadavres. Un bruit d’eau courante chantait.

Peu à peu il distinguait les corps. Alors il allait de l’un à l’autre. Les noyés seuls l’intéressaient ; quand il y avait plusieurs cadavres gonflés et par l’eau, il les regardait avidementDéfinition :
Avec un désir ardent et insatiable.
, cherchant à reconnaître Camille. Souvent, les chairs de leur visage s’en allaient par lambeauxDéfinition :
Morceau d’une étoffe, d’une feuille de papier, d’une pièce de cuir qui a été déchirée.
, les os avaient troué la peau amollieDéfinition :
Qui est devenu mou.
, la face était comme bouillieDéfinition :
En lambeaux, informe, écrasé.
et désosséeDéfinition :
Débarrassée de ses os.
. Laurent hésitait ; il examinait les corps, il tâchaitDéfinition :
Faire des efforts pour venir à bout de quelque chose.
de retrouver les maigreurs de sa victime. Mais tous les noyés sont gras ; il voyait des ventres énormes, des cuisses bouffiesDéfinition :
Qui est enflé.
, des bras ronds et forts. Il ne savait plus, il restait frissonnant en face de ces haillonsDéfinition :
Vieux lambeau d’étoffe. S’emploie le plus souvent au pluriel pour désigner de vieux vêtements en mauvais état, du linge déchiré.
verdâtres qui semblaient se moquer avec des grimaces horribles.

Un matin, il fut pris d’une véritable épouvante. Il regardait depuis quelques minutes un noyé, petit de taille, atrocement défiguré. Les chairs de ce noyé étaient tellement molles et dissoutes, que l’eau courante qui les lavait les emportait brin à brinSynonyme :
Petit à petit
. Le jetDéfinition :
Mouvement par lequel un liquide, un fluide jaillit avec force.
qui tombait sur la face, creusait un trou à gauche du nez. Et, brusquement, le nez s’aplatitDéfinition :
Rendre plat.
, les lèvres se détachèrent, montrant des dents blanches. La tête du noyé éclata de rire.

Chaque fois qu’il croyait reconnaître Camille, Laurent ressentait une brûlure au cœur. Il désirait retrouver le corps de sa victime, et des lâchetésDéfinition :
Défaut de courage ; manque d’énergie, de volonté ; bassesse d’âme.
le prenaient, lorsqu’il s’imaginait que ce corps était devant lui. Ses visites à la morgueDéfinition :
Endroit où sont recueillis et exposés les cadavres des personnes victimes de meurtre qu’il convient d’autopsier, les cadavres de personnes inconnues qu’on doit identifier, et où sont pratiquées des expertises médicolégales.
l’emplissaient de cauchemars, de frissons qui le faisaient haleterDéfinition :
Respirer de façon précipitée et sans pouvoir retrouver son souffle ; être hors d’haleine.
. Il secouait ses peurs, il se traitait d’enfant, il voulait être fort ; mais, malgré lui, sa chair se révoltait, le dégoût et l’effroi s’emparaientDéfinition :
Se rendre maître de quelque chose par la force ou par la ruse, en prendre possession.
de son être, dès qu’il se trouvait dans l’humidité et l’odeur fade de la salle.

Quand il n’y avait pas de noyés sur la dernière rangée de dalles, il respirait à l’aise ; ses répugnances étaient moindres. Il devenait alors un simple curieux, il prenait un plaisir étrange à regarder la mort violente en face, dans ses attitudes lugubrementDéfinition :
Qui évoque le deuil et la mort, qui marque ou inspire une sombre tristesse.
bizarres et grotesques. Ce spectacle l’amusait, surtout lorsqu’il y avait des femmes étalant leur gorge nue. Ces nudités brutalement étendues, tachées de sang, trouées par endroits, l’attiraient et le retenaient. Il vit, une fois, une jeune femme de vingt ans, une fille du peuple, large et forte, qui semblait dormir sur la pierre ; son corps frais et gras blanchissait avec des douceurs de teinte d’une grande délicatesse ; elle souriait à demi, la tête un peu penchée, et tendait la poitrine d’une façon provocante ; on aurait dit une courtisane vautréeDéfinition :
S’enfoncer, s’étendre.
, si elle n’avait eu au cou une raie noire qui lui mettait comme un collier d’ombre ; c’était une fille qui venait de se pendreDéfinition :
Se mettre à mort en se suspendant par le cou à l’aide d’une corde, d’un lien.
par désespoir d’amour. Laurent la regarda longtemps, promenant ses regards sur sa chair, absorbé dans une sorte de désir peureux.

Chaque matin, pendant qu’il était là, il entendait derrière lui le va-et-vient du public qui entrait et qui sortait.

La morgue est un spectacle à la portée de toutes les bourses, que se payent gratuitement les passants pauvres ou riches. La porte est ouverte, entre qui veut. Il y a des amateurs qui font un détour pour ne pas manquer une de ces représentations de la mort. Lorsque les dalles sont nues, les gens sortent désappointésDéfinition :
Être trompé dans ses espérances, ne pas être répondu à son attente.
, volés, murmurant entre leurs dents. Lorsque les dalles sont bien garniesDéfinition :
Qui est pourvu du nécessaire.
, lorsqu’il y a un bel étalageDéfinition :
Action d’étaler, de faire voir sans retenue ou avec ostentation ; ce dont on fait parade.
de chair humaine, les visiteurs se pressent, se donnent des émotions à bon marché, s’épouvantent, plaisantent, applaudissent ou sifflent, comme au théâtre, et se retirent satisfaits, en déclarant que la morgue est réussie, ce jour-là.

J’ai lu ce roman lorsque j’étais au lycée et j’ai été particulièrement frappée par le poste d’observateur que Zola offre aux lecteurs. Dans tous ses romans, il se veut un naturaliste de l’existence humaine, il détaille avec justesse les affres et les passions qui habitent les êtres humains, il excelle dans ses descriptions physiques si bien qu’il est facile aux lecteurs de se figurer les personnages, mais surtout, il analyse à la loupeDéfinition :
Avec une extrême minutie.
la succession d’événements auquelle ses personnages sont confrontés et les conséquences qui en découlent. Être observatrice impuissante face à la misère, la déchéance et la cruauté humaine a causé en moi une profonde impression qui ressurgit lorsque, dans une bibliothèque, mon regard croise un roman de Zola. Je me surprends parfois même à reprendre cette position dans ma vie quotidienne, examinant les faits et gestes des personnes qui m’entourent tout en essayant de déceler les secrètes motivations de leurs actions. Et pour cette raison, je t’invite à lire un de ses romans. Si tu veux découvrir un autre chef d’œuvre du XIXe siècle, je t’invite à écouter le sixième podcast de cette saison.

Et enfin si tu veux écouter plus de podcasts et avoir accès à plus de matériel pour apprendre à parler français, va vite sur : frrrancais.com. Français avec 3 (trois) “r”. Tu peux aussi me retrouver sur les réseaux sociaux pour suivre l’actualité de mes publications et renforcer tes connaissances en français ! Je te dis à très vite pour un nouveau podcast.